Comment les monstres viennent-ils à la littérature ? À la fin du XIIIe siècle, Les Monstres des hommes constitue la première tentative en français et en vers de chanter la diversité des formes humaines. Les peuples monstrueux ne sont pas seulement décrits, mais dotés de coutumes désarmantes et présentent une remarquable proposition d’anthropologie spéculative.
Chaque monstre d’Orient trouve ici son équivalent dans la société occidentale, dont le texte fournit une critique radicale : non seulement tous les monstres sont des hommes, mais tous les hommes, même en Occident, même les plus beaux, nobles et pieux, sont des monstres.
Ce texte, conservé dans un manuscrit unique, pratiquement inconnu, qui fait alterner tristesse et colère, érudition et effets d’oralité, appels à la révolte et obscénité, est ici traduit pour la première fois. Il est accompagné dans cette édition des miniatures, indispensables à la compréhension du texte.
Le livre de Jean de Mandeville
Édition bilingue établie, traduite, présentée et annotée par Michèle Guéret-Laferté et Laurence Harf-Lancner
Honoré Champion, 2023
Site de l'éditeur Présenté comme un récit de pèlerinage en Terre sainte suivi d’un voyage en Orient, le Livre de Mandeville (1356) est une habile compilation d’ouvrages récents, écrits par des voyageurs bien informés (Guillaume de Boldensele, Odoric de Pordenone, Hayton). Toutefois, enhardi par les réflexions des savants de son époque sur la sphéricité de la terre, notre Jules Verne médiéval conduit son narrateur à s’aventurer jusqu’aux terres « par-delà », dans l’intention de lui faire accomplir le premier tour du monde. Dans cet espace encore inexploré, on croise, à côté des êtres fabuleux légués par la tradition, aussi bien Alexandre que le Prêtre Jean. L’auteur marie avec dextérité gravité et fantaisie, science et folklore, ancien et nouveau. Grâce à cette association entre transmission d’un savoir géographique, considérations sur la diversité des religions et des coutumes et anecdotes plaisantes, le Livre n’a cessé de captiver un public nombreux et varié, comme l’attestent les 250 manuscrits qui nous sont parvenus, écrits dans les diverses langues de l’Europe. Le choix de la version contenue dans le célèbre Livre des merveilles (v. 1403) permet en outre d’évoquer les splendides miniatures qui illustrent le texte.
Christine de Pizan, Le Livre de la Cité des dames
Édition bilingue introduite et traduite par Anne Paupert. Édition et notespar Claire Le Ninan et Anne Paupert
Honoré Champion, 2023
Site de l'éditeur Le Livre de la Cité des dames (composé entre 1404 et 1407) est un livre exceptionnel à plus d’un titre, écrit par une écrivaine hors norme pour d’autres femmes de son temps et de celui à venir afin de leur transmettre la mémoire des femmes du passé et leur faire ainsi un rempart contre des siècles de misogynie. C’est un livre savamment écrit et composé, le point d’aboutissement d’une part importante de l’œuvre de Christine de Pizan (1365-vers 1430), consacrée à la défense et illustration du sexe féminin tout entier. Poétesse renommée, elle a aussi écrit de nombreux ouvrages didactiques, historiques, politiques et moraux. Dans ce livre, Christine voit apparaître trois Dames couronnées, Raison, Droiture et Justice, qui lui enjoignent d’aller au « champ des lettres » et d’y construire une cité allégorique, dont les pierres et les habitantes seront des femmes qui se sont illustrées par leurs capacités dans tous les domaines de l’activité humaine.
Cette œuvre s’inscrit dans un contexte historique et social bien éloigné du nôtre, mais elle continue cependant de parler aux femmes et aux hommes d’aujourd’hui. Elle est considérée comme l’une des plus importantes de l’écrivaine, mais le texte original reste peu accessible. On pourra lire ici pour la première fois une édition critique du texte d’après le dernier manuscrit réalisé sous la supervision de Christine de Pizan, accompagnée d’une nouvelle traduction, de notes et d’une introduction visant à rendre ce texte accessible au plus grand nombre de lectrices et lecteurs contemporains, des spécialistes aux simples amateurs ou curieux.
Lecture croisée du Livre III des Entretiens d'Epictète
Sophie
Aubert-Baillot, Gweltaz
Guyomarc’h, Jordi
Pià Comella et Christophe
CussetAitia, Regards sur la culture hellénistique au XXIe siècle 2022
Publication en ligne L’étude se concentre ici sur le livre III qui, plus que les autres encore, se distingue par la variété des thèmes abordés. À travers une approche rassemblant des contributeurs de spécialités diverses, ce volume issu de rencontres internationales de philosophie ancienne cherche à rendre compte de la réflexion d’Épictète dans toute sa richesse en examinant les enjeux historiques, rhétoriques et philosophiques du livre III des Entretiens.
Erec et Enide
Édition bilingue, établie, traduite et annotée
Bénédicte Milland-Bove et Vanessa Obry
Erec et Enide, que Chrétien de Troyes signe fièrement dans son prologue, est à plusieurs titres une œuvre inaugurale. Écrite sans doute vers 1170, elle marque le déploiement romanesque de l’univers arthurien, met au point les techniques du roman d’aventure et prend soin de se distinguer des productions contemporaines pour souligner la subtilité de son écriture.
Le lecteur d’aujourd’hui y retrouvera les éléments de la légende arthurienne qui lui sont devenus familiers mais il pourra également en apprécier la singularité. Même si l’ironie de Chrétien vient parfois appeler à une discrète distance, tout paraît encore possible, dans l’euphorie de disposer un monde riche d’histoires à venir : un mariage qui trouve le bonheur dans la durée, un jardin où le mot « joie » reprend sens, une cour où rois, chevaliers mais aussi artistes et poètes, peuvent trouver leur place, dans la célébration de fêtes qui soudent la communauté.
Le passé est un événement. Correspondances de l'archéologie et de la littérature.
Mireille Séguy et Laurent Olivier
C'est sous la forme du dialogue que Laurent Olivier et Mireille Séguy ont construit leur ouvrage, Le passé est un événement, fruit d'une rencontre entre l'archéologie et l'étude de la littérature médiévale. Il ne s'agit pas d'une somme théorique sur la mémoire ou sur la temporalité propre aux vestiges, ni d'un traité sur les méthodes et les enjeux comparés des deux disciplines, mais bien d'une chambre d'écho dans laquelle les deux chercheurs présentent leurs trouvailles et abordent l'histoire dans sa durée et non pas dans ses découpages. Cette passionnante conversation entre un archéologue et une spécialiste de la littérature médiévale nous fait lire le temps et les vestiges différemment, mettant à jour les convergences entre le passé et le présent, car le passé, bien que révolu comme époque historique, n'en continue pas moins à exister, comme manifestation.
Polémiques en chanson: IVe-XVIe siècles
sous la direction de Luce Albert et de Mickaël Ribreau
Presses universitaires de Rennes, 2022
Site de l'éditeur
Si la musique est proverbialement supposée adoucir les moeurs, cet ouvrage vise au contraire à étudier la chanson dans sa dimension polémique, telle une arme au service d'une cause à défendre et d'un ennemi à pourfendre. En effet, la chanson est depuis toujours liée à la vie de la cité. Elle épouse les remous de la vie sociale et des controverses qui l'agitent, qu'elles soient religieuses ou politiques. C'est dans cette oscillation permanente du sacré au profane, du religieux au laïque, que seront interrogées ces chansons sous toutes leurs formes : hymnes, psaumes, chansons spirituelles ou antihérétiques, chansons de propagande, chansons populaires, diffamatoires, xénophobes, etc., dans une perspective diachronique qui s'étendra du vie au XVIe siècle, en associant historiens, musicologues et spécialistes des littératures antique, médiévale et moderne.
L'Ethos de rupture - De Diogène à Donald Trump
sous la direction de Charles Guérin, Jean-Marc Leblanc, Jordi Pia Comella, Guillaume Soulez
Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2022
Le comptoir des presses d'université
De nombreuses femmes et hommes politiques en Occident cultivent un style pensé pour heurter les conventions et manifester une forme de nouveauté. Ils fondent leur popularité sur des comportements qui valent avant tout parce qu'ils prétendent rompre avec l'habitus politique commun (Donald Trump, P. Iglesias Turrión, Vox et, de manière plus ambivalente que ne le faisait son propre père, Marine Le Pen). Dans les slogans comme dans les attitudes, c'est bien l’idée de rupture – avec le passé, avec les conventions, avec le « système » – que mettent en avant, comme un argument politique en actes, ces différents acteurs.
Ce livre se propose d’étudier cette construction de la rupture comportementale dans une perspective diachronique, de l’Antiquité à nos jours, en la mettant en relation avec le concept aristotélicien et post-aristotélicien d’ethos tel qu’il est reçu dans la tradition rhétorique, la tradition linguistique, ou celle de l’analyse du discours. L’enjeu est à la fois de situer historiquement cette prétention à la rupture comportementale dans le temps long et d’en analyser les ressorts précis sur des cas d’étude sélectionnés. Un locuteur peut-il projeter une image de soi déchiffrable et efficace en l’absence de tout précédent, en se coupant de toutes les représentations et règles censées modeler sa présentation de soi? Dans quelle mesure l’ethos de rupture subvertit-il les normes et modèles rhétoriques? En bousculant les attentes de l’auditoire, cet ethos de rupture est-il voué à l’échec ou est-il le gage du changement et du renouveau ?