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le 21 novembre 2025
Présentation :
La figure de secrétaire est, à la Renaissance, objet d’une intense réflexion théorique qui a faitémerger une véritable figure idéale, à la charnière de deux arts d’écrire, au point de convergenceentre l’administration et le monde des Lettres. S’y rencontrent « la littérature en voie d’institutionnalisation et l’activité de secrétaire particulier », l’art d’écrire pour autrui et celui de prendre la plume pour soi. Plusieurs travaux récents analysent ainsi les imbrications étroites entre les statuts et les activités de secrétaire et d’écrivain. Nicolas Schapira, dans la perspective de l’histoire sociale, s’est attaché à décrire, pour la France, ce groupe hétérogène des professionnels de la plume et a fait émerger des trajectoires, comme celles de Louis Videl ou du comte de Brienne, dans lesquelles secrétariat et activité auctoriale sont étroitement nouées. Dans la continuité de ces travaux, Delphine Amstutz, Paul-Victor Desarbres, Nicolas Schapira et Claire Sicard, coordinateurs d’une publication collective aux Cahiers Saulniers, ont proposé d’explorer plus directement la figure du secrétaire écrivain à travers une série d’études de cas qui, de Montaigne à Guez de Balzac, offre un riche panorama de la conjonction entre ces deux activités dans la France du « Siècle des secrétaires ». Notre enquête cherche à élargir le champ en appliquant ces questionnements sur les « secrétaires littérateurs » (Schapira) ou les « secrétaires écrivains » (Amstutz et al.) à l’aire ibérique, mise en perspective à la lumière des cas, déjà bien travaillés, de l’Italie et de la France. Dans l’aire ibérique, on compte de nombreux auteurs centraux dans la République des Lettres qui ont su articuler leur emploi de secrétaire avec la construction d’une figure d’auteur autonome : Alfonso de Valdés, Gonzalo Pérez, Lope de Vega, Francisco de Quevedo ou António de Sousa de Macedo sont autant de cas à partir desquels on peut s’interroger à la fois sur la façon dont le secrétariat a nourri l’œuvre (ce que cela a fait à l’écriture de ces auteurs que d’être secrétaires), mais aussi comment il est qualifié, mis en scène ou au contraire effacé dans la construction auctoriale. La récente publication collective coordonnée par Aude Plagnard et Joseph Roussiès autour du cas de Manuel de Faria e Sousa en fournit quelques exemples : la revendication d’une prolixité littéraire fondée sur l’aptitude scripturale et calligraphique du secrétaire ; l’exploration de l’écriture autobiographique comme espace de liberté pour la révélation des secrets du maître ; ou encore la mise en scène héroïsée de l’écriture pour soi par opposition à l’écriture de service. Au fil de cette enquête, nous proposons aussi d’examiner les diverses facettes et manifestations de la compétence littéraire des secrétaires « entendue, selon la définition du temps, comme expertise savante ou capacité rhétorique ». On examinera ainsi d’un point de vue littéraire, mais également sous l’angle de l’histoire de la culture écrite (voire, graphique), les genres d’écrits produits par des auteurs dans le cadre du secrétariat ou en lien étroit avec ce dernier : les genres épistolaire, généalogique ou biographique ; les récits de missions ou les collections d’anecdotes courtisanes obtenus dans le cadre de leurs fonctions ; les éditions, annotations ou traductions de textes que les auteurs s’approprient grâce au secrétariat. Pour chacun de ces genres, se pose la question des stratégies hybrides déployées par les auteurs, en quête à la fois d’une illustration de leurs propres mérites et de celle de leur maître, à la croisée des logiques personnelles (ou familiales) et des logiques de service. Le travail collectif prendra la forme de deux ateliers composés de communications peu nombreuses permettant d’engager des débats nourris. Le premier, qui se tiendra à l’Université de Lille le vendredi 21 novembre 2025, posera les jalons introductifs de la réflexion et proposera une première série d’études de cas. Le second, en 2026 à la Sorbonne nouvelle, prolongera la réflexion.
mise à jour le 21 novembre 2025