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du 30 mai 2025 au 31 mai 2025
Colloque international
Organisation : RCPPM (Association Internationale de Recherche sur les Charpentes et les Plafonds peints du Moyen Âge), EPCC Arts de Lire - Abbaye de Lagrasse, Université Sorbonne Nouvelle (Maud Pérez-Simon), EHESS Brochure - Banquet de Printemps [PDF - 1 Mo] ( à télécharger )
Présentation :
Monstres, hybrides, chimères, trois termes différents, qui ont aujourd’hui comme au Moyen Âge, des origines, des destins, des significations qui ne se recouvrent pas exactement. Mais pris ensemble, ils renvoient à un même champ sémantique : celui de l’écart par rapport à la norme, du brouillage des caractères distinctifs et stables des espèces vivantes, du mélange des traits propres aux hommes, aux animaux et aux plantes.
Certains ont un nom et une forme stables, comme le sciapode, hérité de l’Antiquité, qui use de son pied démesuré comme d’un parasol, ou les blemmyes dépourvues de tête et dont le ventre est le visage. Mais la plupart défient les catégorisations et les dénominations qui sont au contraire la règle dans la Création telle que Dieu l’a ordonnée : la plupart sont uniques, non reproductibles et innommables. Marginaux par nature, ils évitent le centre et se trouvent plus à l’aise dans les lieux liminaux, les limites et les passages : beaucoup sont censés vivre aux marges du monde, notamment en Orient, dans les forêts (comme le loup-garou) ou les îles lointaines. Figurés, ils peuplent les marges des manuscrits ou prolongent les fins de ligne, façonnent les modillons qui cernent extérieurement les églises romanes, prennent la forme d’une gueule grande ouverte à l’extrémité des poutres qui soutiennent les plafonds peints et, là même, ne forment pas de séries distinctes, mais alternent sans régularité avec les closoirs plus communs.
Selon l’étymologie, les monstres « montrent » : ils montrent l’infinité des possibles du monde créé, qui par-delà les espèces visibles, comprend bien d’autres choses admirables qui restent à découvrir : des mirabilia qui, à défaut d’être compris, peuvent être imaginés. Les hybrides (du grec hybris, l’excès, le désordre, la bâtardise) ne sont pas que des fantasmes ; les chimères (de chimæra, un monstre fabuleux de l’Antiquité) ne sont pas que les vues d’esprits dérangés : avec les monstres, ils prolongent la diversité sans limite des êtres qui constituent la culture commune d’une société et d’une époque.
Ces êtres mixtes, dont les formes empruntent à des registres divers et a priori incompatibles (hommes-oiseaux, quadrupèdes à queue de poisson, etc.), sont ambivalents. Certains incarnent le mal (le diable lui-même en donne l’exemple) ou renvoient à l’adversaire son image volontairement déformée. Mais ils peuvent aussi remplir une fonction apotropaïque, expulser le mal depuis l’intérieur (d’une église, d’une maison) ou le repousser et lui en interdire l’entrée. Certains visent à faire peur, d’autres tendraient plutôt à faire rire : la dimension ludique des monstres ne soit pas être sous-estimée, tout autant que la valeur esthétique de leurs représentations. Par leur localisation et leurs fonctions, monstres, hybrides et chimères participent de l’ornatus si important dans la culture médiévale : non seulement ils « ornent » les textes manuscrits, les édifices ecclésiastiques et laïques et les plafonds peints, en les rendant plus beaux et attirants, mais ils rehaussent leur dignité (leur decus : honneur et décor tout à la fois) et confirment la prééminence sociale de ceux qui les ont commandités, qui les possèdent et les habitent, et qui s’en parent en s’entourant de la guirlande infinie de formes inédites et toujours renouvelées.
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mise à jour le 28 avril 2025