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du 2 avril 2025 au 4 avril 2025
(les 2 avril, 14h-18h, 3 avril, 9h15-18h, et 3 avril, 9h15-13h)
Colloque international
A priori, la reproductibilité est le propre du théâtre (du moins du théâtre non performatif) : d’un soir à l’autre, les comédiens reproduisent un spectacle après l’avoir longuement répété. Partie prenante de ce processus de réitération, chaque représentation diffère néanmoins partiellement des précédentes et des suivantes, et porte en elle la possibilité de variations plus ou moins importantes, capables d’en modifier tant la production que la réception, alors même que sa reprise quotidienne implique un protocole de duplication relativement strict.
Qu’advient-il dès lors dès que cette représentation fait l’objet d’une reproduction pour ainsi dire « au carré » par des moyens techniques qui en figent les apparences (photographie, vidéo, enregistrement sonore, « bande-annonce », etc.), et quelles conséquences cette dernière produit-elle sur le processus de création initial ? La perte de l’aura dont parlait Benjamin (L’Œuvre d’art à l’ère de sa reproductibilité technique), en pensant notamment à l’avènement de la photographie, joue-t-elle totalement en défaveur d’un art supposé être celui de la « présence » ou bien encourage-t-elle l’advenue d’une autre scène à même d’enrichir s de renouveler la perception que l’on a du spectacle en direct ? Le théâtre se perd-il tout à fait dans ce processus de reproduction technique, ou bien y trouve-t-il matière à se réinventer tant sur le plan de sa réception que sur celui de sa production, voire des façons de se penser lui-même ? Quel rôle joue ce même processus dans la diffusion et la « conservation » (avec toute l’ambiguïté de ce terme et ses enjeux pédagogiques notamment) du spectacle vivant ?
Entré résolument dans cette ère de la reproductibilité technique, le théâtre se découvre finalement de nouvelles ressources et de nouveaux chemins au point de faire rapidement sienne l’utilisation d’enregistrements, visuels puis sonores, qui ne se contentent plus de rendre compte de ce qu’il faisait jusque-là et viennent régulièrement nourrir certaines pratiques théâtrales révolutionnaires de l’entre-deux guerres, s’acclimatant au point de donner ensuite parfois le sentiment de saturer le paysage théâtral de la deuxième moitié du XXe et du début du XXIe siècles. Tandis qu’elles font massivement retour sur les scènes, les créations ou recréations vidéographiques, voire les collections commercialisées de « captations théâtrales », et bientôt les teasers, trailers et bandes-annonces de toutes sortes gagnent parallèlement en respectabilité autant qu’en diffusion, y compris dans le milieu de la recherche universitaire et dans la pédagogie, faisant s’écrouler une sorte de tabou théorique qui avait tendance à tenir le théâtre éloigné de toute forme de reproduction mécanique.
Les transformations vertigineuses induites par l’avènement de la société numérique y sont évidemment pour beaucoup. Sont-elles pour autant seules responsables de cette reproductibilité quasiment infinie du théâtre, qui le rend accessible un peu n’importe quand, sinon de n’importe où, même en temps de crise sanitaire, lui qui n’était jusqu’ici généralement envisagé que comme art de l’ici et du maintenant ? Ou bien au contraire s’inscrivent-elles plus largement dans un mouvement bien antérieur à l’invention des micro-processeurs ? Le théâtre en tire-t-il parti (et pas seulement lorsque, de son côté, il multiplie les propositions scéniques inspirées de grands classiques du cinéma) ou les subit-il passivement ? Ce sont aussi les questions que le présent colloque voudrait poser, en confrontant résolument pratiques anciennes et pratiques immédiatement contemporaines, quitte à découvrir peut-être que, loin d’être tout à fait le début d’une nouvelle ère, notre premier XXIe siècle théâtral n’est lui-même que l’accomplissement de « l’ère de la reproductibilité technique » définie par Benjamin.
DEUX PROJECTIONS AU CINEMA GRAND ACTION
Dans le cadre de ce colloque, deux films d’Alexandre Barry consacrés au travail du metteur en scène Claude Régy seront projetés au cinéma Grand Action les 2 et 3 avril à 20h : d'une part Trakl Sébastopol, film réalisé à partir de ce qui fut la dernière répétition (ce que personne ne savait alors) de son dernier spectacle, Rêve et Folie (texte de Georg Trakl), d’autre part Brume de dieu, l'unique film réalisé sur scène à partir de l'intégralité d'un spectacle de Claude Régy (texte tiré des Oiseaux de Tarjei Vesaas). Chacune de ces deux expériences filmiques parvient, tout à fait paradoxalement pour l’œuvre d’un metteur en scène qui fut très longtemps rétifs au filmage de son travail, à toucher ce qui fait sans doute la quintessence de cette même œuvre. Les projections seront accompagnée (sous réserve) d’une rencontre avec le réalisateur, qui fut par ailleurs pendant vingt ans l’assistant de Claude Régy.
mise à jour le 17 mars 2025