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Ce séminaire co-organisé par l’École doctorale 267 de la Sorbonne Nouvelle et l’Université de Montréal propose les interventions de quatre enseignants-chercheurs, deux de l’Université de Montréal et deux de l’Université Sorbonne Nouvelle. Pour les étudiants de master qui choisissent ce séminaire, l’évaluation porte sur la réalisation de deux synthèses mettant en avant le contenu des séances, les perspectives méthodologiques et de recherche pour les deux séries de cours proposées par les enseignants canadiens (4 pages maximum pour chacune des synthèses).
Les cours auront lieu sur le Campus Nation 8, avenue Saint-Mandé 75012 Paris
Les trois séances de ce séminaire partiront d’un étrange constat : entre les mois d’avril et octobre 1978, trois événements, en apparence distincts, se sont déroulés dans trois villes différentes. Brighton : en mai et juin 1978 se tenait le fameux symposium de la FIAF (Fédération internationale des archives du film, devenu une sorte de « scène primitive » de la nouvelle histoire du cinéma des premiers temps. Montréal : à l’invitation de Serge Losique, directeur du Conservatoire d’art cinématographique à l’Université Concordia, Jean-Luc Godard présenta 14 séances de cours-conférences, entre le mois d’avril et octobre 1978. Ces « leçons de choses », accompagnées de projections, allaient fournir certaines des conditions intellectuelles et matérielles pour le lancement de son projet d’Histoire(s) du cinéma. Dawson City : à l’été 1978, dans cette ville canadienne du Yukon, dans le cadre de travaux d’excavation, on découvrit près de 500 films nitrate datant des années 1910 à 1920, dont plusieurs étaient considérés perdus, ensevelis dans le permafrost de cette ville du Grand Nord. L’histoire rocambolesque de l’ensevelissement puis de la redécouverte de cette collection inouïe, a fait l’objet, en 2016, d’un documentaire expérimental de Bill Morrison, Dawson City : Frozen Time.
Ces trois « moments » partagent une même date, sans être aucunement liés. Toutefois, ils concernent tout à la fois des enjeux de découverte, de mise en lumière, mais aussi d’invisibilisation ou d’amnésie sélective. Que peut vouloir dire le fait de chercher à penser ensemble, « archéologiquement », à travers un « montage historique », ces trois événements ? Comment permettent-ils de réfléchir à l’histoire des archives et du patrimoine cinématographiques, et aux modalités d’écriture de l’histoire. C’est ce que ce séminaire se donne pour tâche d’explorer.
Lectures et visionnement
Documents officiels du 34e congrès de la Fiaf à Brighton:
https://www.fiafnet.org/pages/History/Archival-Documents-about-FIAF-Congresses.html
Godard, Jean-Luc. Introduction à une véritable histoire du cinéma, Paris, Éditions de l’œil, 2025.
Godard, Jean-Luc, Introduction à une véritable histoire du cinéma, Paris, Éditions Albatros, 1981.
Index des films trouvés à Dawson City : Bibliothèque et archives du Canada et Library of Congress.
Dawson City : Frozen Time (Bill Morrison, 2016)
La recherche de confort, la désorientation, l’irritation, l’ennui et l’échec jalonnent l’expérience des médias et notamment l’expérience des médias numériques, nous accompagnant dans la navigation quotidienne d’un monde en crise. Loin de nous troubler profondément ou de représenter des changements radicaux dans notre perception du monde, ces « petites passions » nous offrent des moyens d’encadrer, de contenir ou d’endurer l’incertitude profonde qui caractérise notre « structure de sentiment » (Williams 1961; 1977; Boni 2023) . Ainsi, les textes et les plateformes médiatiques participent à la formation d’atmosphères affectives en devenant des formes provisoires d’abri, de répit, des fonctions que nous pouvons comparer à des dispositifs de protection (Casetti 2023) , tout en pouvant également devenir des sources d’anxiété et d’inconfort (Hargraves 2023) .
En trois temps, nous explorerons les contextes, les formes et les effets de ces petites passions. Premièrement, je propose d’élargir et approfondir les discussions sur les affects dans l’expérience des médias, en en soulignant la dimension culturelle et politique (Ahmed 2015; Berlant 2011; Paasonen 2021) . Dans un deuxième temps, il sera question de sélectionner des œuvres qui nous permettent de comprendre les mécanismes qui construisent et maintiennent l’incertitude. Finalement, nous discuterons les formes de notre engagement vis-à-vis d’elle, en étudiant les productions discursives autour du confort et de l’inconfort qui se développent autour de contenus sériels des plateformes.
Dans cette perspective, les passions mineures sont à penser comme des tactiques pour naviguer et contrôler la menace diffuse de l’incertitude, et comme des outils qui peuvent mettre en évidence les tensions entre confort et inconfort dans notre expérience du quotidien.
Références
Ahmed, Sara, The Cultural Politics of Emotion, New York, Routledge, 2015.
Berlant, Lauren, Cruel Optimism, Durham, Duke Univ Press, 2011.
Boni, Marta, Perdre pied. Le principe d’incertitude dans les séries, Tours, Presses Universitaires François Rabelais, 2023.
Casetti, Francesco, Screening Fears : On Protective Media. Brooklyn, Zone Books, 2023.
Hargraves, Hunter, Uncomfortable Television, Durham / London, Duke University Press Books, 2023.
Paasonen, Susanna, Dependent, Distracted, Bored, Affective Formations in Networked Media, Cambridge, Massachusetts, The MIT Press, . 2021.
Williams, Raymond, The Long Revolution, 1961, Londres, Chatto & am / Windus, 1961.
Marxism and Literature, Oxford, Oxford University Press, 1977.
La Guerre sans nom de Bertrand Tavernier et Patrick Rotman a contribué à faire resurgir dans la société française, aux lendemains de sa sortie en salles en 1992, « la plaie toujours ouverte » (L’Humanité, 19 février 1992) d’une guerre dont le seul nom faisait toujours alors l’objet d’un persistant déni. Peu conventionnel, ce documentaire l’est par son sujet et sa durée, dont Tavernier a pu dire qu’ils venaient opposer « quatre heures de cinéma [à] trente ans d’oubli » (Le Journal du dimanche, 19 février 1992). Il l’est aussi par son dispositif fondé à l’exclusion d’autres discours et archives, hormis les photographies amateures prises par les témoins eux-mêmes, sur la parole d’une trentaine d’anciens combattants, appelés ou rappelés originaires de la région de Grenoble, qui ont participé à la guerre d’Algérie entre 1954 et 1962. Par sa forme introspective articulée au refus d’images et de témoignages officiels, il entend ainsi exorciser un silence pesant et rompre une longue période d’amnésie nationale en effectuant une « plongée dans une mémoire si longtemps refoulée » (Tavernier et Rotman, 1992), celle des soldats du contingent réputés n’avoir pas parlé de leur expérience (Branche, 2022).
Cet enseignement se propose d’analyser ce « film événement » (L’Événement du jeudi, 13 février 1992), les souvenirs enfouis qu’il vise à restituer et les usages qu’il a suscité vis-à-vis des zones d’ombre et de tension propres à l’histoire, à la mémoire et au traitement médiatique de la guerre d’Algérie. Il découle d’une monographie à paraître sur ce documentaire, étonnement peu étudié au regard de sa résonance à l’époque et des questions toujours actuelles qu’il pose ou permet de penser, telles que l’aptitude du témoignage à œuvrer « à la constitution d’une contre-histoire » (Ferro, 1993) et la prégnance contemporaine de bien des séquelles et clivages idéologiques issus de la guerre. Dans cette perspective, je m’attacherai particulièrement à rendre compte du travail d’entretiens (auprès de Rotman et de collaborateur-ices de création d’une part, de témoins du film et de membres de leur famille d’autre part) et d’archives (de production, de réception ou liées aux combats menés en Algérie comme à leurs ramifications en métropole) mené durant deux ans, pour partager divers questionnements méthodologiques, scientifiques et pédagogiques : pourquoi et comment analyser un tel objet aujourd’hui ? De quels enjeux éthiques et sensibles la démarche consistant à revenir enquêter, plus de trente ans après, auprès des personnes concernées, est-elle porteuse ? En quoi l’histoire (culturelle) du cinéma peut-elle s’articuler avec celle du fait militaire comme avec les études postcoloniales pour aboutir à une exploration microhistorique d’ampleur, donnant à entendre les « silences de l’histoire » auxquels le film a tenté de donner voix ? Inversement et au regard notamment des archives de l’armée, à quels non-dits la parole filmée vient-elle se heurter ?
Séance 1. De l’ombre à la lumière : situer le « film-événement »
Séance 2. Fragments du puzzle algérien : un tableau fidèle de la guerre des appelés ?
Séance 3. Un récit national pour une guerre (qui reste ?) sans nom
Il est recommandé pour tirer le meilleur parti des séances de voir le film (un lien devisionnage pourra être partagé) ou de lire l’ouvrage qui en a été tiré : Patrick Rotman et Bertrand Tavernier, La Guerre sans nom, Paris, Seuil, 2001 [1992].
Les « cinémas du monde » constituent une catégorie d’intervention de la politique cinématographique française qui a été pensée et forgée progressivement par le biais du soutien à la coproduction de films d’auteurs étrangers. Les différentes phases de cette politique reflètent des mutations ayant trait à la portée géopolitique des interventions, corrélées à la désignation changeante de l’objet qu’elles sont censées promouvoir : d’abord les « cinémas du tiers-monde », puis les « cinémas du Sud » et enfin les « cinémas du monde ». Cette notion porte donc les traces de glissements à la fois sémantiques et idéologiques qui ont précédé son institutionnalisation. Ainsi, à partir d’une activité de coopération postcoloniale dans les années 1960, l’action politique s’est largement recentrée au tournant des années 2010 sur l’organisation d’un écosystème industriel autour de la coproduction, sans se détourner de l’objectif initial d’influencer la manière d’envisager, de produire et de distribuer des films « d’auteur » dans le monde.
L’objectif de ce séminaire est d’analyser l’action du fonds de soutien à la coproduction « Aide aux cinémas du monde » au prisme de l’économie politique (Creton 1997, 1998, 2005, 2020) et de la théorie des industries culturelles (Tremblay 1997, Miège 2004, Bouquillion, Miège et Moeglin 2013). Dans cette perspective, je m’attacherai à rendre compte de la façon dont ce dispositif au service d’une nouvelle géopolitique du cinéma d’auteur participe d’une volonté des pouvoirs publics de promouvoir, au sein du modèle de mondialisation néolibérale, une forme de diversité culturelle, tout en favorisant la professionnalisation de la production et la distribution de biens fortement symboliques. Sans négliger les apports des études postcoloniales, j’adopterai une grille de lecture fournie par la théorie des industries culturelles pour examiner la manière dont une politique publique accompagne l’industrialisation, l’entrée dans le marché global et la plateformisation de films indépendants.
Ce faisant, l’enseignement vise à interroger et discuter des concepts tels que « filière », « écosystème industriel », « indépendance », « auteur global », « intermédiation » et « plateformisation », mettant en lumière des questions qui ont fait émerger dans le champ de l’économie politique critique et des sciences de l’information et de la communication des problématiques de recherche autour de la transnationalisation du cinéma d’auteur : Quelles relations de pouvoir président à la coproduction entre la France et le reste du monde ? Dans quelle mesure l’action politique structure les réseaux transnationaux qui sous-tendent la production et la circulation des films ? Comment s’organise la mise en marché des productions ? Quelles opérations interprétatives se jouent autour des festivals pour attribuer aux films une valeur symbolique et économique ? Les trajectoires que suivent les films pour intégrer les catalogues des plateformes de vidéo à la demande sont-elles liées à des pratiques professionnelles et des modèles économiques spécifiques ?
Séance 1. Archéologie de la notion de « cinémas du monde » et des politiques de soutien à la coproduction internationale en France.
Séance 2. L’espace socio-économique des coproductions soutenues par l’« Aide aux cinémas du monde ».
Séance 3. Étudier la circulation internationale et la plateformisation du cinéma d’auteur global :questions épistémologiques et méthodologiques.
Lectures recommandées
- Ana Vinuela, « Les exportateurs de films dans la globalisation du cinéma du monde »,Réseaux, n° 226-227, 2021, p. 155-183.
- Ana Vinuela, « Le marché de la coproduction de la Berlinale dans l’univers du cinéma du monde. », Entrelacs [En ligne], 14 | 2018, URL : http://journals.openedition.org/entrelacs/4332.
- Ana Vinuela « Exporting the French co-production model: ‘Aide aux cinémas du Monde’ and‘Produire au Sud’ », dans Julia Hammett-Jamart, Petar Mitric et Eva Novrup Redvall (dir.), European Film and Television Co-production : Policy and Practice, Basingstoke, Palgrave-Macmillan, 2018, p. 223-239.
mise à jour le 2 juillet 2025