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Jürgen Müller est titulaire de la chaire d'histoire de l'art médiévale et moderne à l'université technique de Dresde. Il a étudié l'histoire de l'art, la philologie allemande et la philosophie dans les universités de Bochum, Münster, Paris, Pise et Amsterdam. Ses travaux les plus importants concernent la peinture et les arts graphiques du début de l'époque moderne. Il a ainsi rédigé des monographies sur Rembrandt, Caravage, Bruegel et la théorie artistique flamande autour de 1600, ainsi que des catalogues sur les gravures des frères Beham et le maniérisme de Haarlem. Le deuxième domaine d'intérêt de Jürgen Müller est le sport et le cinéma. En 2000, il a été le commissaire de l'exposition du jubilé de la Fédération allemande de football, qui a attiré 350 000 visiteurs. À l'occasion du championnat d'Europe de football de l'année dernière, il a élaboré le catalogue éponyme de l'exposition « In Motion - Kunst und Fußball » présentée au musée allemand du football à Dortmund. Concernant le cinéma, il a rédigé de nombreux essais sur le cinéma de Weimar et sur le cinéma contemporain. Depuis les années 1990, il a également élaboré une Histoire populaire du cinéma en dix volumes pour la maison d'édition Taschen. Il a récemment organisé une exposition à Berlin sur le classique des vampires Nosferatu, qui a reçu le prixWilly-Haas pour la meilleure publication sur le film allemand.
Nietzsche et Fritz Lang - la modernité de droite
Le séminaire vise à montrer dans quelle mesure les films classiques allemands « Les Nibelungen », « Metropolis » et « M le maudit » de Fritz Lang sont liés aux idées de la philosophie culturelle de droite. Lang a évoqué à plusieurs reprises sa lecture de Nietzsche dans des interviews. Ses écrits ont influencé des penseurs tels qu'Oswald Spengler et son œuvre majeure « Le Déclin de l'Occident », ainsi que Moeller van den Bruck, qui a publié en 1923 son essai influent « Le Troisième Reich ». Deux débats sont en cours : l'un sur le rôle de l'Allemagne dans la modernité et l'autre sur la modernité elle-même. Ces thèmes font partie intégrante des films de Lang et sont développés et soumis à la discussion.
Séminaire 1 : Mardi 20 janvier 2026
Les Nibelungen ou du Moyen Âge à l'Art nouveau
L'œuvre de Fritz Lang sur les Nibelungen, datant de 1924, se compose de deux films. La première partie, « Siegfried », est suivie de « La vengeance de Kriemhild ». Cette division en deux parties montre déjà clairement que pour le réalisateur et sa scénariste Thea von Harbou, il s'agissait moins de rester fidèles à l'œuvre littéraire que d'essayer de caractériser les personnages principaux masculins et féminins dans le sens des héros nationaux. Même si le nationalisme concentré nous semble aujourd'hui étranger, il vaut la peine de s'efforcer de suivre les traces culturelles historiques de l'œuvre. Lang est en effet à la recherche d'un style national cinématographique. Le cours a pour but de reconstruire ce discours implicite et d'en tirer des conclusions.
Séminaire 2 : Mardi 27 janvier 2026
L'apocalypse comme modèle – Metropolis de Fritz Lang de 1927 et l'idée du 3ème Reich
Dans le film « Metropolis » (1927) de Fritz Lang, le schéma narratif de l'apocalypse est utilisé de manière cohérente. C'est déjà le cas dans le roman de Thea von Harbou, qui reprend de nombreux épisodes de l'Apocalypse, mais surtout la « fausse Marie » au sens de la figure biblique de la prostituée Babylone, afin de raconter une histoire d'oppression et de libération. Il en résulte un conflit qui aboutit à une lutte finale entre le bien et le mal. La scénariste s'inspire pour cela de l'essai « Das dritte Reich » (Le troisième Reich) de Möller van den Bruck, qui élabore une théorie d'une voie particulière de l'Allemagne dans la modernité en se référant à la théorie mystique de l'histoire de Joachim von Fiore. Bien avant les nazis, l'idée d'un troisième Reich, qui signifierait la fin de l'histoire, existait déjà. L'objectif de ce cours est de mettre en évidence les traces de cette conception dans l'iconographie du film.
Séminaire 3 : Mardi 3 février 2026
Les choses comme des personnes. Réflexions sur le film de Fritz Lang « M le maudit » de 1931
Les meurtres en série constituent un cas limite dans la jurisprudence. « M le maudit » raconte l'histoire d'un tueur d'enfants qui sème la terreur à Berlin. Lang et sa scénariste racontent une histoire passionnante. Jonathan Demme utilise même dans son final de « Le silence des agneaux » le montage parallèle du film allemand. Mais le film pose également la question de la justice et de ses fondements. À qui appartient la justice, à qui revient-elle ? Aux mères des enfants tués ou au peuple ? Ce sont là des questions difficiles qui n'ont pas encore été posées, mais qui ont été largement débattues à l'époque. En même temps, le film est aussi une réflexion sur le nouveau média qu'est le cinéma parlant. Lang cite le premier film des frères Lumière et joue avec la technique du montage asynchrone. L'objectif de la dernière conférence est d'explorer et de discuter ces dimensions du film.
André Habib est professeur titulaire au département d’Histoire de l’art, de cinéma et des médias audiovisuels de l’Université de Montréal. Il a publié des monographies et dirigé des ouvrages sur les collectionneurs (Le cinéma dans l’oeil du collectionneur, 2022), la cinéphilie (La main gauche de Jean-Pierre Léaud, 2016), les ruines (L’attrait de la ruine, 2011), les archives (L’avenir de la mémoire, 2013). Il est également le directeur de la revue électronique Hors champ, initiateur de la plateforme de réflexion et de création audiovisuelle Zoom Out et du projet “Cadavre exquis”, un laboratoire de valorisation patrimoniale et d’expérimentation artistique lié au cinéma scientifique et éducatif. Ses intérêts récents ont porté sur la nostalgie, la mélancolie, les archives et le cinéma de réemploi.
Le film de famille (revisité) : modes d’emploi, modes de réemploi
Le film de famille a été au cœur de certains des plus passionnants travaux de Roger Odin. Il nous a donc semblé intéressant de saisir l’occasion de ce séminaire pour penser à nouveaux frais ce champ de recherche passionnant et encore mésestimé dans le domaine des études cinématographiques. Revisiter cette « institution » de la production d’image, au confluent des usages privés et publiques de la mémoire, est une façon de reparcourir l’héritage de la pensée d’Odin, mais aussi de tenter d’en complexifier, d’en amplifier, d’en élargir la foulée, en déplaçant stratégiquement ses axes de recherche. En partant d’une approche tournée vers 1) la matérialité, la technique et l’expérience sensible des films de famille ; 2) la circulation de ces images dans la culture en général dans le cinéma expérimental en particulier ; 3) les possibilités qu’offre aujourd’hui le numérique pour la diffusion, la valorisation et la mise en lumière de ces corpus (depuis les Prelinger Archives jusqu’au projet Almanacco de la Fondazione Home Movies de Bologne), nous espérons cheminer, à tâtons, vers une meilleure saisie des modes d’emploi et de réemploi de ces films de famille.
Séminaire 1 : mardi 10 février 2026
Approches du film de famille : histoires, théories
Cette première séance tentera de défricher le « terrain » du film de famille : de quoi parle-t-on, de quoi parlait-on, comment et où a-t-on parlé, qui a cherché à théoriser, historiciser, comment et pourquoi, cette chose à la fois familière et méconnue qu’est le « film de famille » ? Où « placer » ces films dans l’histoire de la production d’images vernaculaires et comment peut-on encore en faire une expérience sensible aujourd’hui ? Qu’est-ce qu’une approche matérielle, archéologique ou expérimentale peut nous apprendre sur ces corpus d’images « privées », ouvertes à partage et riches de sens ?
Séminaire 2 : mardi 17 février 2026
Le film de famille : usages documentaires et réemplois expérimentaux
Cette séance se penchera sur les modes de circulation de ces films, depuis les séries « documentaires » comme La vie filmée (1975) et J’ai la mémoire qui tourne (2009), jusqu’aux films-essais de Peter Forgacs, Alain Berliner ou Gustav Deutsch. Nous nous pencherons en particulier, dans un deuxième temps, sur l’usage « expérimental » de ces films (chez Ken Jacobs, Louise Bourque, Cécile Fontaine, Abigail Child, Jay Rosenblatt, etc.) en présentant et analysant divers cas de figure saillants.
Séminaire 3 : mardi 24 février 2026
Le film de famille à l’ère du numérique
Les films de famille, sans doute en raison de leur absence apparente de droits d’auteurs, font partie de ces corpus d’images qui ont très tôt circulé assez librement à la télévision et, quand ce fut possible, sur Internet. Depuis les années 2000, les efforts de conservation de ce patrimoine (INA, Fondation Home Movies, Prelinger Archives, Open Memory Box, etc.) sont inséparables du contexte de leur diffusion numérique. En effet, grâce aux possibilités de la numérisation et du streaming, ces films ont donné lieu à diverses initiatives de valorisation patrimoniale sur le Web que nous décrirons et analyserons dans le cadre de cette troisième séance. Il s’agira, à notre tour, de nous demander, en guise d’ouverture : « que faire, aujourd’hui, de ces images ?
Maria Tortajada est Professeur ordinaire à l’Université de Lausanne, Directrice du programme doctoral Dispositifs de vision : cinéma, photographie et autres médias. Elle conduit actuellement un projet financé par le Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS), « Histoire de l’animation suisse francophone » 2023-2027 après avoir dirigé également pour le FNS « Nag et Gisèle Ansorge. Institutions, pratiques et formes ». Ses travaux portent notamment sur l’épistémologie des dispositifs (El dispositivo no existe. Una Epistemología de los Medios, Metales Pesados, 2025, av. François Albera), sur les théories de la représentation (Eric Rohmer. Le spectateur séduit. De la représentation (2017) et sur le cinéma suisse (Histoire du cinéma suisse. 1966-2000, codir. av. Hervé Dumont (2007).
Voir https://www.unil.ch/cin/cin/MariaTortajada
L’épistémologie des dispositifs comme épistémologie des médias. La méthode par l’exemple
Depuis le début des années 2000, dans le sillon de ce qu’on a appelé la « nouvelle histoire », l’étude du cinéma s’est ouverte à des domaines qui restaient aux marges de ce qu’on pouvait appeler jusqu’alors « cinéma », approfondissant son archéologie par des études de plus en plus ciblées et des sources renouvelées, d’une part, explorant les formes et les supports liés aux transformations numériques, de l’autre, d’un point de vue technique, culturel et représentationnel. Parallèlement, les approches que l’on peut classer sous l’appellation « archéologie des médias », – qu’elle soit revendiquée comme telle ou non – s’emparaient de la référence foucaldienne avancée dans l’Archéologie du savoir de manière plus ou moins libre pour aborder le cinéma, le film ou tout autre objet médiatique à travers l’histoire passée et présente. L’épistémologie des dispositifs développée avec François Albera apportait dès 2000 une méthode alternative dialoguant avec ces « deux » archéologies qui ne s’équivalent pas. Le projet de constitution d’une Epistémè 1900 nous a permis de poser les bases d’une méthode inspirée de l’épistémologie française de sciences – Bachelard, Simondon, Foucault – appliquée aux dispositifs de vision et d’audition pour appréhender des appareillages, des batteries de concepts, des méthodes, des pratiques, des imaginaires saisis en un réseau de relations qui dessine les conditions de possibilité de ces dispositifs.
A travers des études de cas associées à une réflexion méthodologique, ce cours voudrait donc tenter de présenter et de donner à comprendre les manières de faire de l’épistémologie des dispositifs en lien avec différentes approches des médias.
Séminaire 1 : Mardi 3 mars 2026
Du dispositif objet à la méthode épistémologique
Après une introduction générale à la série de conférences, cette séance posera les bases de l’épistémologie des dispositifs. Il tentera de montrer comment passer de l’analyse des dispositifs de vision et d’audition à la constitution d’un « schème épistémique » et les difficultés que cette approche soulève. Il expliquera de manière concrète ce qu’est l’enjeu d’une description « en dispositif ». Un dispositif est construit comme un réseau dynamique de relations : le travail consiste à dégager la nature de ces relations qui le constituent en interaction avec d’autres dispositifs à un moment historique donné et dans un espace géographique qui est à définir. Le cours proposera d’aborder des dispositifs de vision dans des sources diverses avec des outils d’analyse adéquats à chaque source, littéraire, filmique, scientifique, etc. : Paul d’Ivoi, Epstein, par exemple, dans le cadre de l’épistémè 1900 ou, en lien avec ma recherche sur les concepts de l’animation, des logiciels d’animation numérique.
Séminaire 2 : Mardi 10 mars 2026
Archéologies, généalogies, épistémologies
Ces trois termes renvoient chacun à des domaines très vastes, que ce soit la discipline archéologique fondée au XIXe siècle et qui connaît en son sein de multiples débats et transformations jusqu’à aujourd’hui ; la généalogie, dans sa dimension scientifique ou populaire, avec son détournement foucaldien ; les épistémologies, qui se développent au tournant du XIXe et du XXe siècle pour définir la science contre la philosophie. Archéologie du cinéma, archéologie des médias et épistémologie des dispositifs sont des appropriations productives qu’il convient de resituer. Ce sera le propos de ce cours qui tentera d’éclaircir l’usage des méthodes derrière ces trois termes en abordant des propositions diverses comme celle de Siegfried Zielinski, de Jussi Parikka, Sean Cubbit, Thomas Elsaesser, parmi d’autres.
Cette séance essayera de faire ressortir les ressemblances et les différences des approches mentionnées, ce qui supposera de comprendre les relations entre « dispositif » et « média ».
Séminaire 3 : mardi 17 mars 2026
Micro et macro dispositifs
L’épistémologie des dispositifs permet d’élaborer un savoir à partir d’analyses qui touchent à la technique – comme le fonctionnement d’un appareil, de ses pièces, des procédures de fabrication, mais aussi la mise en œuvre des appareillages, les procédures d’expérimentation, par exemple, ce qui impose un agencement entre les appareils et les corps qui les manipulent. Les dispositifs sont alors abordés, notamment, avec l’outillage de l’histoire des techniques dans le cadre de l’épistémologie des dispositifs, qui imposent de mettre en relation les éléments techniques avec le réseau dans lesquels ils sont pris. L’exemple développé ici sera celui des dispositifs de Marey qui agencent les pièces des appareils (micro dispositifs) au corps des expérimentateurs.
Dans la recherche collective, l’épistémologie des dispositifs m’a conduite à ouvrir radicalement le réseau pour pouvoir intégrer l’approche de différents niveaux de machineries, tels la mise en place de procédures techniques agencées à des pratiques socio-économiques ; mais aussi le tissage d’un ensemble de discours et de pratiques qui modèlent les manières de faire et les imaginaires. Ce sont des macro dispositifs qui permettent de comprendre, par exemple, comment se met en place, en Europe, l’idée d’un « cinéma iranien » (Carine Bernasconi) ; ou d’étudier le réseau de relations qui permet l’émergence du cinéma d’animation en Suisse francophone à partir des années soixante, recherche menée actuellement dans le cadre du projet Histoire de l’animation suisse francophone financé par le Fonds national suisse de recherche scientifique (FNS). Le cours tentera de montrer, à partir d’exemples, l’articulation entre micro et macro dispositifs.
mise à jour le 1 juillet 2025