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Littérature
thème de l' année 2024 2025
" Faire avec "
“La liberté, c’est ce que nous arrivons à faire avec ce qu’on nous a fait” (Jean-Paul Sartre)
Le séminaire des doctorant·es de THALIM portera cette année sur les modalités concrètes de la création artistique. Nous souhaitons explorer une conception de la création qui s’oppose à tout idéalisme ; créer, c’est toujours faire avec des données extérieures qui conditionnent, parasitent, voire empêchent le geste de création. Toute œuvre peut ainsi être conçue comme une négociation (acceptation ou refus) avec ces données. Entre ces deux polarités se distribue tout un spectre de positions individuelles, de manières de faire avec. Ce sont les différentes modalités de ce geste de négociation que nous nous proposons d’étudier au fil des séances du séminaire.
Comme les années précédentes, après une première séance d’accueil des nouveaux doctorants et de présentation du sujet (prévue le lundi 21 octobre à 18h à la Maison de la recherche), les séances comporteront deux interventions avec un thème commun : un·e membre titulaire du laboratoire Thalim animera chacune d’entre elles.
Les propositions sont à adresser avant le 15 janvier 2024 à aurelien.cormier@sorbonne-nouvelle.fr, zoe.perrier@sorbonne-nouvelle.fr et gaelle.duclaux-de-l-estoile@sorbonne-nouvelle.fr.
Faire avec, pour l’artiste, c’est d’abord faire avec le corpus artistique qui le précède. Il s’agira alors pour l’artiste de choisir de faire avec, ou de faire sans, celles et ceux qui l’ont précédé dans le canon : comment s’inscrire dans un genre tout en le transformant ? Comment, par exemple, s’accommoder des contraintes génériques, comme celles du poème à forme fixe adapté à la modernité chez Aragon, ou celles des différents topoï romanesques, comme la scène de première vue (Rousset, 1984) ? Dans cette perspective, faire avec, c’est négocier une originalité individuelle au sein d’un dispositif contraignant. Mais faire avec le canon, cela peut aussi être le choix pleinement conscient d’une contrainte, qui produit alors un jeu référentiel. Ce sera faire avec les mots des autres, dans un dispositif intertextuel (Kristeva, 1969). Ce jeu référentiel n’est cependant pas un système clos : faire avec, c’est aussi faire avec son public ou son lectorat. On pourra donc se demander comment les artistes négocient le caractère adressé de leurs œuvres : de la transgression provocatrice des avant-gardes à la complicité recherchée par les auteur·ices de romans « feel-good », on pourra s’intéresser aux techniques mobilisées par les auteur·ices pour s’adresser (ou refuser de le faire) à leur lectorat. Ainsi, à l’opposé du topos de l’écrivain·e seul·e dans sa tour d’ivoire, on s’intéressera à l’influence que les artistes peuvent avoir les un·es sur les autres, de la correspondance jusqu’à la façon dont le fait de vivre ensemble peut agir sur l’oeuvre d’auteurs. Faire avec peut alors aller jusqu’à un véritable acte de co-création, à travers des tentatives d’écriture collective comme les “cadavres exquis” surréalistes ou les écritures sous contraintes de l’Oulipo.
Ces questionnements sur la co-création pourraient évidemment être prolongés au sein des arts du spectacle, où celle-ci demande à être conçue comme le fruit de négociations, chaque artiste ou compagnie élaborant sa propre démarche. Ainsi, que l’on s’intéresse aux duos entre un·e metteur·euse en scène et un·e auteur·ice (on pensera, par exemple, à Patrice Chéreau et Bernard Marie-Koltès, ou encore au compagnonnage complexe entre Roger Blin et Jean Genet), entre un·e comédien·ne et son·a dramaturge, ou aux processus de création collective, les artistes ne cessent d’être amenés à réinterroger leur travail, voire à le modifier, sous le regard d’autrui ou de ce qu’une altérité en fait. Loin d’idéaliser de ces processus, on s’intéressera au contraire aux phénomènes complexes d’interaction, de renoncements potentiels et de désaccords, d’accommodation ou de jeu avec la contrainte.
Faire avec le monde : négociations sociales et politiques
Les approches sociologiques de la littérature nous ont appris à considérer la création comme un acte social. Dans Les Règles de l’art, Pierre Bourdieu a proposé de considérer le domaine de la littérature comme un champ, c’est-à-dire un espace de positions différentielles (Bourdieu, 1992). Écrire et publier un texte, c’est alors faire avec une position assignée ; mais c’est également prendre position, et donc s’aménager, au sein d’une structure sociale, un espace de liberté et d’affirmation individuelle. On pourra ainsi étudier comment chaque artiste prend position dans et par ses œuvres, notamment à travers le concept de posture littéraire (Meizoz, 2004). On peut penser aux récits de transfuges, étudiés notamment par Laélia Véron et Karen Abiven comme une écriture, permettant de faire avec l’habitus clivé propre aux écrivain·es transfuges de classe (Abiven, Véron, 2024).
Comme en atteste l’actualité éditoriale autour des contradictions de la littérature politique (Lucbert, 2024 ; Andras, Harchi, 2024), il pourra également s’avérer pertinent de penser la façon dont certaines œuvres négocient leur rapport avec la société. Faire avec un certain état des choses, c’est se situer dans un champ politique et social en tension. Faire avec, alors, est-ce céder aux injonctions au réalisme, à l’idée qu’y compris en littérature, « il n’y a pas d’alternative », ou est-ce au contraire une tentative de repenser l’agentivité de l'œuvre ?
Refuser de faire avec : un geste révolutionnaire ?
Le refus de faire avec peut enfin témoigner d’un geste révolutionnaire où l’écrivain·e se défait d’un héritage éthiquement chargé. Ainsi des écrivain·es postcoloniales·aux, qui refusent de faire avec la langue de l’ancien colonisateur, et avec les genres littéraires occidentaux traditionnels. L’écrivain algérien Kateb Yacine affirme ainsi poursuivre « une tentative de faire éclater les limites matérielles qui emprisonnent la littérature » (Yacine, 1958).
de
17h à19h
17 février 2025 séance annulée
24 mars salle Claude Simon
28 avril salle Claude Simon
autres dates à venir
Maison de la recherche 4, rue des Irlandais, Paris 75005
mise à jour le 20 janvier 2025